"Les entreprises détruisent chaque année 3 millions d’ordinateurs. Pourtant, beaucoup d’écoles en ont besoin". C’est en partant de ce constat que Cyprien Lefebvre a décidé de mettre un pied dans le monde de l’entrepreneuriat. Malgré son jeune âge, celui qui a profité de son stage de fin d’études pour développer son projet semble déjà maîtriser les rouages de la création d’entreprise. Après avoir accompagné 3 structures et atteint son premier objectif, Cyprien se concentre désormais sur son deuxième objectif, celui de la rentabilité.
Pourquoi avoir choisi la voie de l’entrepreneuriat aussi tôt ?
Il n’y a pas d’âge pour entreprendre. J’ai toujours voulu être utile à la société, et je ne voyais pas par quel autre moyen j’aurais pu y arriver. C’est la raison fondamentale du pourquoi !
C’est lors de votre stage de fin d’étude que vous avez eu un déclic…
Absolument. Lors de mon stage, j’ai rejoint Beelys, le pôle des étudiants entrepreneurs de l’Université de Lyon. J’avais des locaux, je bénéficiais de formations, je pouvais m’appuyer sur un réseau… Il y avait beaucoup de choses pour aider les créateurs d’entreprise. Á ce moment-là, j’ai eu une idée, et j’ai foncé.
Avoir une idée, c’est bien, encore faut-il savoir la vendre !
C’est sans doute la plus grosse crainte d’un porteur de projet. On peut avoir une idée géniale sur le papier, mais si elle ne se vend pas, ça ne sert à rien. C’est pour cette raison que je me suis fixé un objectif concret en me laissant un an pour vendre mon projet.
Et alors, pari gagné ?
Oui ! 6 mois après, je signais mon premier contrat. Ensuite, mon objectif, ça a été de devenir rentable, ce qui n’est pas toujours évident quand on démarre dans la création d’entreprise.
Pourquoi ?
Parce qu’il faut se faire connaître, multiplier les contrats, avoir un business model solide…
D’ailleurs, comment gagnez-vous de l’argent ?
Weeefund propose aux entreprises une action sociale et environnementale clés en main, qui s'inscrit dans leur démarche RSE. Les entreprises font un don matériel avec des ordinateurs, et un don financier. Nous faisons le lien entre ces entreprises et les structures socio-éducatives bénéficiaires.
Weeefund gère toutes les étapes de la seconde vie des ordinateurs : collecte, réparation, installation, formation, maintenance et recyclage. C’est ce qui nous permet d’offrir les ordinateurs aux écoles notamment, gratuitement.
Et aujourd’hui, vous êtes rentable ?
Non, pas encore. Mais j’y travaille. Á terme, on tend vers un modèle économique divisé en 3 : 50 % de mécénat d’entreprises privées, 30 % de ventes d’ordinateurs reconditionnés, 20 % de subventions publiques.
Et vous allez toquer à quelle porte pour obtenir ces subventions ?
Celle de la région Auvergne Rhône-Alpes. On s’apprête à leur demander un chèque de 50 000 euros !
Á vous entendre, l’entrepreneuriat n’est pas chose simple tous les jours. Depuis la création de Weeefund, vous avez déjà essuyé un gros échec ?
Il y a peu de temps, je me suis pris une grosse porte. J’étais sur le point de signer un contrat qui m’aurait permis de me verser un salaire pendant un an… Mais un autre projet, porté par un entrepreneur connu de la région m’est passé devant… ça a été un coup dur pour moi.
Vous n’avez pas eu envie d’abandonner ?
J’ai eu une période de doute pendant 3 jours. Je me suis remis en question. Je pense que n’importe qui aurait douté. Mais rapidement, je me suis dit que j’avais envie d’aller au bout de ce projet. Le mode de vie que j’ai adopté depuis deux ans, ma liberté, ça me correspond parfaitement. Je ne me vois pas faire autre chose.
Vous avez déjà pensé à la levée de fonds ?
Weeefund a le statut d’association. Et qui dit association, dit interdiction de lever des fonds. C’est un statut particulier. Il faut faire très attention au choix du statut de son entreprise et prendre en considération toutes ces choses.
Si vous deviez recommencer à zéro demain, vous changeriez quoi ?
Je ferais peut-être les choses plus rapidement. Créer son entreprise, ça demande du temps, de l’énergie et à la fois, il faut savoir aller vite pour développer son projet. En revanche, s’il y a bien quelque-chose que je ne changerais pas, ce serait l’accompagnement. C’est essentiel. J’ai été épaulé par un mentor de la JEA (Jeunes entreprises accélérées) chez Beelys. Je le voyais une fois par mois, il me challengeait, me posait les questions que je ne me posais pas forcément. Ça m’a beaucoup aidé.
Ça fait presque 2 ans que Weeefund existe, quels sont vos prochains objectifs concrets ?
Augmenter notre capacité à vendre, pour être rentable. Et bien sûr, réussir à me verser un salaire tous les mois. Aujourd’hui, je vis grâce à mes fonds propres et je bénéficie du RSA. J’ai trouvé le mode de vie qui me correspond, il ne me reste plus qu’à en vivre.
Weeefund : 240 élèves bénéficiant d’une éducation numérique 64 ordinateurs réemployés
Propos recueillis par Julie Galeski en juin 2019